LA REFORME DE LA JUSTICE
LA RÉFORME DE LA JUSTICE
Outre les avocats, évidemment directement concernés par la réforme de la justice, tout citoyen et justiciable doit avoir connaissance, pour l’exercice de ses droits, des changements importants opérés par cette réforme.
Cette nouvelle organisation judiciaire est issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et des textes pris pour son application :
Décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 portant diverses mesures relatives à la communication électronique en matière civile et à la notification des actes à l’étranger,
Arrêtés des 6 et 28 mai 2019 (Portail du Justiciable),
Ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de l’article 28 de la loi du 23 mars 2019,
Décret n° 2019-912 du 30 août 2019 modifiant le code de l’organisation judiciaire et pris en application des articles 95 et 103 de la loi du 23 mars 2019,
Décret n° 2019-913 du 30 août 2019 pris en application de l’article 95 de la loi du 23 mars 2019,
Décret n° 2019-914 du 30 août 2019 modifiant le code de l’organisation judiciaire et portant diverses adaptations pour l’application de l’article 95 de la loi 23 mars 2019.
D’autres décrets sont attendus d’ici la fin de l’année 2019.
La réforme s’appliquera au 1er janvier 2020.
Les grandes lignes de la réforme sont :
LA FUSION DES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE ET DES TRIBUNAUX D’INSTANCE AU SEIN DU NOUVEAU TRIBUNAL JUDICIAIRE
Les Tribunaux de Grande instance et les Tribunaux d’instance disparaissent au profit du Tribunal Judiciaire, qui sera divisé en chambres spécialisées.
La compétence territoriale :
Les Tribunaux de Grande Instance absorbent les Tribunaux d’instance situés dans la même ville. Lorsqu’il n’y a pas de Tribunal de Grande instance, le Tribunal d’instance devient le Tribunal ou la chambre de proximité.
La compétence matérielle :
Le Tribunal Judiciaire devient la juridiction de droit commun, sous réserve de l’attribution d’une matière à un tribunal spécialisé tel que le Tribunal de Commerce, le Conseil des Prud’hommes ou le Tribunal Paritaire des Baux ruraux. Il hérite en outre des compétences auparavant dévolues aux Tribunaux d’instance et des compétences exclusives des anciens Tribunaux de Grande instance.
Si plusieurs Tribunaux judiciaires sont situés dans le même département, ils peuvent être spécialisés.
Les décrets d’application du 30 août 2019 fixent 12 matières civiles « spécialisables » :
- Les actions relatives aux droits d’enregistrement et assimilés ;
- Les actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce ;
- Les actions relatives à la cession ou au nantissement de créance professionnelle fondées sur les articles L. 313-23 à L. 313-29-2 du code monétaire et financier ;
- Les actions relatives au billet à ordre fondées sur les articles L. 512-1 à L. 512-8 du code de commerce ;
- Les actions relatives au préjudice écologique fondées sur les articles 1246 à 1252 du code civil ;
- Les actions fondées sur les dispositions du livre VI du code de commerce et des actions fondées sur les dispositions du chapitre premier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime ;
- Les litiges relevant de l’exécution d’un contrat de transport de marchandises ;
- Les actions en responsabilité médicale ;
- Les demandes en réparation des dommages causés par un véhicule aérien, maritime ou fluvial ;
- Sauf stipulation contraire des parties et sous réserve de la compétence du tribunal judiciaire de Paris ou de son président en matière d’arbitrage international ainsi que de la compétence de la cour d’appel ou de son premier président en matière de voies de recours, les demandes fondées sur le Livre IV du code de procédure civile relatif à l’arbitrage ;
- Les actions en paiement, en garantie et en responsabilité liées à une opération de construction immobilière ;
- Les actions en contestation des décisions des assemblées générales et celles relatives aux copropriétés en difficulté relevant de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Ils fixent également 12 matières pénales « spécialisables » :
- Les délits et contraventions prévus et réprimés par le code du travail ; par le code de l’action sociale et des familles ; par le code de la sécurité sociale ; par le code de l’environnement ; par le code rural et de la pêche maritime ; par le code forestier ; par le code minier ; par le code de l’urbanisme ; par le code de la consommation ; par le code de la propriété intellectuelle ; par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts ; et les délits prévus par l’article L. 1337-4 du code de la santé publique et les articles L. 111-6-1, L. 123-3, L. 511-6 et L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation.
Les Chambres de proximité :
Elles se voient attribuées des compétences matérielles spécifiques attribuées par décret selon un tableau et sont seules compétentes pour connaître des litiges y afférant.
Le juge des contentieux de la protection
La loi instaure également un nouveau juge : le juge du contentieux de la protection qui remplace formellement le juge d’instance et trouve sa place dans les Chambres et Tribunaux de proximité. Il récupère l’ensemble de ses compétences, notamment concernant les expulsions locatives, les crédits à la consommation, le surendettement des particuliers et les procédures de rétablissement personnel, à l’exclusion des compétences spéciales qui reviennent au Tribunal Judiciaire, ainsi que celles du juge des tutelles qui, lui, disparaît du paysage juridictionnel.
Il juge en dernier ressort les litiges au taux inférieur à 5 000 € et à charge d’appel ceux dont le taux est supérieur, dans la limite des 10 000 €.
Le service d’accueil unique du justiciable
Un service d’accueil unique du justiciable est implanté au siège de chaque tribunal judiciaire et de chaque chambre de proximité. Il est à noter que le Greffe des Tribunaux Judiciaires intègre aussi celui des Conseils des Prud’hommes.
Les agents de greffe affectés dans un service d’accueil unique du justiciable peuvent assurer la réception et la transmission :
- De tous les actes en matière civile, lorsque la représentation n’est pas obligatoire ;
- En matière prud’homale :
- Des requêtes ;
- Des demandes de délivrance de copie certifiée conforme, d’un extrait et d’une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire ;
- En matière pénale :
- Des plaintes déposées auprès du procureur de la République ;
- Des demandes en consultation ou en exclusion du bulletin no 2 du casier judiciaire ;
- Des requêtes en confusion de peines, en relèvement ou en rectification d’erreur matérielle ;
- Des demandes de copie de décision pénale ;
- Des oppositions à ordonnance pénale ;
- Des demandes de permis de visite ;
- En matière d’aide juridictionnelle, des demandes d’aide juridictionnelle dans les conditions prévues aux articles 26 et 132-9 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
LES MODES AMIABLES DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
Leur caractère obligatoire
La loi pose le principe d’une obligation de recourir préalablement à une procédure amiable dans deux cas : les litiges relatifs aux troubles de voisinage et ceux relatifs au paiement d’une somme en dessous d’un certain montant. Le juge pourra rejeter la demande comme irrecevable en cas d’absence de tentative de recourir à une des trois modalités citées que sont la médiation, la conciliation et la procédure participative.
La loi prévoit plusieurs exceptions à cette obligation :
- Lorsque l’une des parties sollicite l’homologation d’un accord,
- Lorsqu’il existe une obligation d’un recours préalable auprès de l’auteur de la décision,
- Lorsqu’il existe un motif légitime,
- Lorsque c’est au juge ou à l’autorité administrative, en vertu d’une disposition particulière, de procéder à une tentative préalable de conciliation.
- Lorsqu’il est question de crédit immobilier ou à la consommation
L’objectif est d’inciter le justiciable à utiliser ces procédures amiables, afin de décharger les prétoires.
La loi prévoit que le juge peut imposer le recours à un mode amiable de règlement des différends en tout état de la procédure, y compris en référé.
De plus, la loi règlemente les services en ligne proposant, de manière gratuite ou rémunérée, un de ces modes de règlement des différends en les soumettant à la règlementation sur les données personnelles, de même qu’à celles de confidentialité, sous peine de poursuites pénales dans les mêmes conditions que le secret professionnel.
LA PROCÉDURE D’INTRODUCTION DES DEMANDES
La procédure d’introduction des demandes se fait exclusivement par voie dématérialisée.
Exception : le pétitionnaire qui n’a pas d’avocat et souhaite se défendre seul pourra déposer sa demande physiquement au Greffe du Tribunal Judiciaire.
LE MINISTÈRE DE L’AVOCAT
La loi étend les possibilités de représentation pour le justiciable.
Les procédures simples et les litiges de faible valeur (<10 000 €) : le ministère d’avocat n’est pas obligatoire et le justiciable peut se présenter seul ou représenté par un proche parent, voire son conjoint ou son concubin. Dans cette hypothèse, un mandat spécifique est requis.
Les procédures complexes et les litiges importants (>10 000 €) : le ministère d’avocat est obligatoire.
Il est également obligatoire dans le contentieux de l’exécution, sauf en matière d’expulsion.
LA PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES
La loi pose une exception au principe de publicité des débats : la protection du secret des affaires. Ainsi, si le secret des affaires est mis en cause, l’audience se déroule en Chambre du Conseil et le jugement ne sera pas prononcé en public.
______________________________________
Dans l’attente des derniers décrets d’application de la loi du 23 mars 2019 et de la mise en œuvre pratique de cette réforme, on peut d’ores et déjà noter que l’objectif de simplification de l’accès au Juge, matérialisé par la fusion des Tribunaux de Grande instance et des Tribunaux d’instance dans le nouveau Tribunal Judiciaire, semble contredit par la spécialisation par chambres du Tribunal Judiciaire, par la spécialisation départementale de certains Tribunaux Judiciaires, par le maintien d’un Tribunal ou d’une chambre de proximité en lieu et place du Tribunal d’instance lorsqu’il n’y a pas de Tribunal de Grande Instance dans la ville, ou par la création du juge des contentieux de la protection.
Le chemin du justiciable vers la juridiction compétente pour connaître de ses demandes ne semble pas plus aisé à trouver que dans l’organisation judiciaire actuelle.
En outre, le justiciable et son conseil devront être particulièrement attentifs à la mise en œuvre des modes amiables de règlement des litiges préalables à la saisine de la juridiction, dont l’obligation tend à se généraliser, notamment en termes de délais et de risque de prescription de l’action.
Nous nous inscrivons naturellement dans le mouvement de cette réforme de la justice, pour accompagner et représenter efficacement les clients qui nous confient la défense de leurs intérêts.