Lettre du cabinet – Avril 2021
Loi Littoral : Extension de l’urbanisation et agrandissement d’une construction existante
L’application des dispositions issues de la loi Littoral, désormais codifiées aux articles L. 121-1 et suivants du code de l’urbanisme, occupe régulièrement les juridictions administratives et conduit souvent le Conseil d’État à préciser certaines notions nécessaires à sa mise en œuvre.
Par l’arrêt M. Fontenay (1), le Conseil d’État a ainsi pu répondre à la question de savoir si l’extension d’une construction existante était par elle-même une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme selon lequel « l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants ».
La portée de l’article précité, souvent qualifié de disposition anti-mitage, a été précisée à plusieurs reprises.
Dès 1999, le Conseil d’État précisait « qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée » (2).
Plus récemment, en 2006, le Conseil d’État soulignait qu’il résultait des dispositions en cause « éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 dont elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations » (3).
Les arrêts précités de 1999 et 2006 pouvaient être lus comme impliquant que toute construction réalisée en zone d’urbanisation diffuse constitue une extension de l’urbanisation (4), y compris l’extension mesurée de constructions existantes.
Cette lecture pouvait être justifiée dès lors que les travaux préparatoires de la loi Littoral font apparaître que les débats parlementaires ont conduit à supprimer du projet de loi une hypothèse d’extension de l’urbanisation par regroupement des constructions dans les zones d’urbanisation diffuse en ce qu’elle aurait favorisé le mitage précisément combattu par la loi Littoral (5).
L’opposabilité du dispositif anti-mitage aux extensions de constructions existantes n’était toutefois pas stabilisée, les juges du fond admettant d’un côté que l’extension de constructions existantes ne constituait pas une extension de l’urbanisation au sens de la loi Littoral (6), mais censurant d’un autre côté le règlement d’un document d’urbanisme autorisant des extensions du bâti existant éloigné des zones déjà urbanisées (7).
Par l’arrêt M. Fontenay, le Conseil d’État met fin à toute hésitation.
Il y précise que « si, en adoptant [les dispositions de l’article L. 121-8], le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions ».
Cette question étant tranchée, l’on peut légitimement penser que le débat portera dorénavant sur les critères permettant de regarder un projet donné, non comme l’extension d’une construction existante, mais comme portant sur la réalisation d’une construction nouvelle soumise au principe d’urbanisation en continuité.
Une première réponse portant sur l’ampleur de l’extension peut être vue à la lumière de l’arrêt Commune du Lavandou du 28 septembre 2020 par lequel le Conseil d’État, reprenant le principe dégagé dans l’arrêt M. F…, admet la légalité du règlement du PLU autorisant dans un secteur « à caractère naturel abritant des constructions existantes à usage d’habitation diffuses », le seul « agrandissement limité des constructions existantes dans la limite de 30 % de la surface de plancher existante » (8).
Reste donc à savoir dans quelle mesure, et selon quel degré, les critères de complémentarité, de continuité, ou de contiguïté (9) , entre le bâtiment existant et son extension seront mis en œuvre au titre de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
(1) CE, 3 avril 2020, M. F…, n° 419139 et a., Mentionné dans les tables du recueil Lebon.
(2) CE, 15 octobre 1999, Commune de Logonna-Daoulas, n° 198578, Mentionné dans les tables du recueil Lebon.
(3) CE, 27 septembre 2006, Commune du Lavandou, n°275924, Mentionné dans les tables du recueil Lebon.
(4) M. Xavier de LESQUEN, concl. sur CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, n° 372531.
(5) M. Josselin de ROHAN, Sénat, Rapport n°191 fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan relatif à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.
(6) CAA Nantes, 16 décembre 1998, Commune de Préfailles, n°97NT02003 ; CAA Nantes, 28 mars 2006, Commune de Plouharnel, n°05NT00824.
(7) CAA Nantes, 26 octobre 2012, Commune de Theix, n°12NT00846.
(8) CE, 28 septembre 2020, Commune du Lavandou, n°423087.
(9) Voir sur la notion d’extension d’une construction existante : M. Xavier de LESQUEN, concl. sur CE, 15 avril 2016 Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité c/ Commune de Lourmarin, n°389045.