LETTRE DU CABINET – AVRIL 2024
PERMIS DE CONSTRUIRE
Une autorisation d’urbanisme frauduleuse ne peut pas être régularisée devant le juge
Par une décision du 11 mars 2024, n° 464257, le Conseil d’État consacre la solution déjà adoptée par plusieurs juges du fond (CAA Marseille, 30 novembre 2023, Mme Gay, n° 22MA02534 ; CAA Nancy 27 décembre 2023, M. Humbert, n° 20NC1144) selon laquelle le juge administratif ne peut mettre en œuvre les pouvoirs de régularisation prévus aux articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme lorsque l’autorisation d’urbanisme dont il est saisi a été obtenue par fraude.
Pour rappel, l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme permet au juge, saisi d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme, de procéder à son annulation partielle et de prévoir sa régularisation après l’instance. Quant à l’article L. 600-5-1, il impose au juge, lorsqu’un vice est régularisable, de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation.
L’enjeu de la décision du 11 mars 2024 tenait au champ d’application large des possibilités de régularisation au titre des articles précités et à l’absence de réserve, par ces articles, du cas particulier de l’autorisation obtenue par fraude.
En droit administratif, la fraude est le fait pour un administré de contourner la loi ou de la détourner de son esprit par un artifice visant à tromper l’administration et obtenir d’elle une autorisation. Sa caractérisation suppose la réunion d’un élément matériel correspondant aux faits qui ont induit en erreur l’administration dans sa prise de décision, et un élément moral caractérisé par la conscience pour l’administré de tromper l’administration.
En l’espèce, l’auteur de la demande de permis de construire avait qualifié de construction existante un bâtiment qui se trouvait être, en réalité, en ruine. Le Conseil d’État a relevé que cet administré « ne pouvait ignorer cet état de fait » et qu’il avait « sciemment induit la commune en erreur en présentant cet appentis comme un bâtiment existant sur les plans joints à sa demande, ainsi qu’en omettant de joindre au reportage photographique qu’il avait annexé à cette demande une photographie de la façade nord du garage, à laquelle était adossée l’appentis en ruine, commettant ainsi une fraude afin de bénéficier d’une règle d’urbanisme plus favorable ». De la sorte, les deux éléments étaient réunis pour caractériser la fraude.
Après avoir précisé que le juge ne peut permettre la régularisation d’une autorisation obtenue par fraude et avoir caractérisé la fraude, le Conseil d’État a considéré que le tribunal administratif n’avait pas méconnu son office ni commis d’erreur de droit en refusant de mettre en œuvre les dispositions de l’article
L. 600-5-1.
Si la décision ne précise pas explicitement les motifs de la solution, il est toutefois possible de se référer aux conclusions du rapport public, Monsieur Laurent DOMINGO, rappelant qu’un permis de construire obtenu par fraude n’est pas créateur de droits pour son bénéficiaire, que la « fraude « corrompt tout » » et que « le permis obtenu par fraude équivaut à son absence ».
Le rapporteur public notait enfin que « s’agissant d’une fraude, et afin de ne pas l’encourager en admettant qu’elle puisse être régularisée si elle venait à être débusquée, il est préférable de renvoyer le pétitionnaire au point de départ ».