LETTRE DU CABINET – MARS 2017
La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
Les mouvements de grève qui touchent actuellement la Guyane, donnent une résonnance particulière à la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée et le Sénat et publiée au Journal officiel le 1er mars 2017.
Son article 1er dispose de manière solennelle que « la République reconnaît aux populations des outre-mer le droit à l’égalité réelle au sein du peuple français. La République leur reconnait le droit d’adopter un modèle propre de développement durable pour parvenir à l’égalité dans le respect de l’unité nationale. Cet objectif d’égalité réelle constitue une priorité de la Nation ».
L’objectif ambitieux et affiché de cette nouvelle loi est de « résorber les écarts de niveaux de développement en matière économique, sociale, sanitaire, de protection de valorisation environnementales, ainsi que de différence d’accès aux soins, à l’éduction, à la formation professionnelle, à la culture, aux services publics, aux nouvelles technologies et à l’audiovisuel entre le territoire hexagonal et leur territoire », mais aussi de « résorber les écarts de niveaux de vie et de revenus constatés au sein de chacun d’entre eux ».
Pour y parvenir, les politiques de convergences mises en œuvre sur le fondement de celles-ci devront tendre « à créer les conditions d’un développement durable, à accélèrer les efforts d’équipements, à favoriser leur inclusion dans leur environnement régional, à compenser les handicaps structurels liés à leur situation géographique, leur isolement, leur superficie et leur vulnérabilité face au changement climatique, à participer à leur rayonnement à l’échelle nationale et à l’échelle internationale, à valoriser leurs atouts et leurs ressources, à assurer l’accès de tous à l’éducation, à la formation, à l’emploi, au logement, aux soins, à la culture et aux loisirs ainsi qu’à instaurer l’égalité entre les femmes et les hommes et à lutter contre toutes les formes de discriminations ».
Les articles 7 à 11 explicitent les instruments de mise en œuvre de la convergence.
L’Etat, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et les établissements publics de coopération intercommunale, en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux, devront élaborer, pour le territoire de chacune de ces collectivités, un plan de convergence avec comme objectif de réduire les écarts de développement.
Ce plan devra définir les orientations et préciser les mesures et actions à mettre œuvre pour traduire sur le plan opérationnel les objectifs susmentionnés.
Ces plans de convergence seront déclinés en contrats de convergence précisant les actions à mener en matière d’emploi, de santé, d’égalité entre les femmes et les hommes, de jeunesse, de lutte contre l’illettrisme, de logement et de gestion des ressources naturelles.
Au niveau du suivi, l’article 12 de la loi vient modifier l’article 74 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, afin de doter la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’Etat outre-mer d’une nouvelle mission, celle d’établir chaque année un rapport public de suivi des stratégies de convergence mises en œuvre par l’Etat, les collectivités territoriales d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, au regard des objectifs de convergence poursuivis par les plans susmentionnés. Ce rapport qui sera remis chaque année au Parlement avant le 1er octobre, devra faire l’objet d’un débat.
Plus généralement, cette loi contient un certain nombre de dispositions sociales (articles 13 à 44), relatives aux connectivités et à la continuité territoriales (articles 45 à 50), à l’école et à la formation (articles 51 à 60), des dispositions économiques, commerciales et bancaires (articles 61 à 74), relatives à la culture (articles 75 à 79), au développement durable (articles 80 à 83), à la fonction publique (articles 84 à 88), des dispositions juridiques, institutionnelles et judiciaires (articles 89 à 113), relatives au foncier en outre-mer (articles 114 à 118), aux droits des femmes (article 119), de nature fiscale (articles 120 à 145) et enfin des dispositions relatives à la statistique et à la collecte des données (articles 146 à 148).
Parmi les mesures les plus notables, certaines concernent la majorité des outre-mer. A titre d’exemple, la disposition surnommée « Small Business Act ultra-marin », qui cible, à l’exception de celles du Pacifique, l’ensemble des collectivités. Elle leur permet, ainsi qu’aux services de l’Etat en Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Wallis et Futuna, de prévoir à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, de réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés aux PME locales et pour les marchés supérieurs à 500 000 € d’imposer aux soumissionnaires de présenter un plan de sous-traitance incluant ces PME locales. Cette mesure confirme une nouvelle fois l’important levier que représente la commande publique pour favoriser des politiques intégrées.
La modification de l’article 4 de la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est également remarquable, en ce qu’elle prévoit que le rejet des dossiers de demande d’indemnisation pourra être réexaminé à l’initiative du comité d’indemnisation.
En s’inspirant de la loi n°2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (voir brève du mois d’octobre), la loi prévoit également des mesures en faveur de l’accès aux réseaux de communication électroniques dans les collectivités de l’article 73. D’autres visent à favoriser la vie des personnes originaires d’outre-mer, en instaurant des aides aux transports, ou encore pour les fonctionnaires d’Etat, une priorité de mutation.
Enfin, la loi comporte également de nombreuses dispositions touchant une collectivité en particulier : régularisation de la propriété à Mayotte, lutte contre l’orpaillage en Guyane…
C’est donc une loi particulièrement ambitieuse et vertueuse pour l’égalité des territoires qui a été adoptée le 1ers mars 2017 dont il faudra apprécier les conséquences opérationnelles.
Sources :
Journal officiel
M-C de Montecler, L’outre-mer en marche vers la convergence ? Dalloz actualité, 16 février 2017.