L’ARRIVÉE DU CODE DE LA COMMANDE PUBLIQUE
L’arrivée du Code de la commande publique
Les contrats de la commande publique sont désormais réunis au sein d’un nouveau Code de la commande publique dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er avril 2019. Ce Code a pour principal objet de codifier les deux importantes réformes de la commande publique réalisées par ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 pour les marchés publics et ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 pour les contrats de concession.
L’ouvrage propose une codification à droit constant et, de ce fait, n’apporte aucun bouleversement majeur au droit de la commande publique.
Cependant, une brève présentation de ce nouvel outil est opportune d’une part, parce qu’il convient de revenir sur l’ensemble des textes codifiés et d’autre part, parce qu’il a été choisi d’intégrer au Code un grand nombre de jurisprudences.
Le Code propose 1747 articles séparés en deux grandes parties : une partie législative et une partie règlementaire. Chaque partie est subdivisée en 3 sous-parties :
- La première est relative aux définitions et au champ d’application : c’est une sorte de grille de lecture orientant le lecteur vers les autres parties du Code[1], déterminant les contrats exclus du recueil[2] et fixant la définition des différents contrats,
- La deuxième est relative aux marchés publics et la troisième aux concessions : les dispositions générales et spéciales de chaque type de contrat y sont détaillées selon une présentation chronologique depuis la préparation jusqu’à l’exécution du contrat,
- Les annexes rassemblent les arrêtés et avis ministériels.
- Le Code regroupe environ une trentaine de loi dont certaines sont partiellement codifiées.
En dehors de la codification des ordonnances du 23 juillet 2015 et du 29 janvier 2016, il faut noter l’intégration au Code :
- De la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance qui prévoit notamment les conditions d’acceptation du sous-traitant, l’agrément des conditions de paiement et le paiement direct du sous-traitant[3],
- De la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée : certains articles sont scindés pour plus de lisibilité[4],
- Des articles 37 et suivants de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 relatifs aux retards de paiement dans les contrats de la commande publique,
- De l’article 69 de la loi du 17 avril 1906 qui permet l’arbitrage pour « litiges relatifs à l’exécution financière des marchés publics de travaux et de fournitures de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ainsi que dans les autres cas où la loi le permet»[5].
La codification des ordonnances permet l’intégration dans le Code de l’ensemble des règles relatives à la passation et à l’exécution des marchés publics et des concessions :
- Concernant les marchés publics :
- La définition des marchés publics est étoffée en intégrant la notion d’équivalent à un prix versé par l’opérateur économique fixée par la jurisprudence[6],
- La possibilité de passer un marché sans publicité et mise en concurrence en raison de l’objet du marché ou du faible degré de concurrence dans le secteur concerné est supprimée,
- Les techniques d’achats (pré-sélection des opérateurs) utilisables en marché sont détaillées[7]: accord-cadre, acquisition dynamique, enchères et catalogue électronique, etc.
- Concernant les concessions :
- La notion de délégation de service public ne disparait pas : elle est déterminée comme une sous-catégorie de concession[8]
- Les concessions de service ferroviaire sont intégrées au Code
Enfin, il faut préciser que certains contrats tels que la société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), la concession d’aménagement, la concession autoroutière, la concession hydraulique et la concession de remontées mécaniques n’ont pas fait l’objet d’une intégration et restent régis par les divers codes dont elles relèvent.
- Le Code prévoit également l’intégration de nombreuses jurisprudences en plus de celles déjà intégrées dans les deux grandes ordonnances relatives aux marchés publics et aux concessions.
La partie législative du Code propose une partie préliminaire rassemblant 6 grands principes organisateurs de la commande publique principalement issus de la jurisprudence :
- Article 1 : la liberté contractuelle des personnes publique[9],
- Article 2 : la définition des contrats de la commande publique,
- Article 3 : les trois principes fondamentaux de la commande publique : égalité de traitement, liberté d’accès et transparence des procédures[10],
- Article 4 : l’impossibilité d’accès aux contrats pour les opérateurs ayant fait l’objet fait l’objet des mesures d’exclusion[11],
- Article 5 : l’obligation de contracter pour une durée limitée[12],
- Articles 6 : les caractéristiques principales des régimes des contrats de la commande publique :
- Pouvoir de contrôle sur l’exécution du contrat,
- Principe de continuité du service public applicable au contrat[13],
- Droit à indemnisation du cocontractant en cas d’évènement extérieur bouleversant l’équilibre du contrat[14],
- Droit de modification[15], sans bouleverser l’équilibre contractuel, et de résiliation unilatérale du contrat par l’autorité contractante[16] (y compris pour motif d’intérêt général)
Sans détailler l’ensemble des jurisprudences codifiées, il doit être noté l’intégration de certaines d’entre elles dont la portée est limitée à certains types de contrats.
Ainsi, il a été codifié :
- Pour les marchés publics, la définition et rejet des offres anormalement basses[17],
- Pour les marchés de partenariat, la compétence du juge administratif pour les recours dirigés contre une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat[18],
- Pour les concessions, le droit de passer un contrat sans publicité et mise en concurrence en cas d’urgence particulière[19] et le régime des biens de retour, des biens de reprise et des biens propres[20].
Cette codification jurisprudentielle est bienvenue puisqu’elle possède deux vertus : celle de rassembler un grand nombre de solutions déterminées par le Conseil d’Etat dans un même ouvrage et celle d’apporter une certaine stabilité à ces solutions, sous réserve de l’interprétation des articles qui sera faite par le juge administratif.
Cependant, la codification de certains principes soulève des interrogations. La principale interrogation concerne l’application des trois grands principes de la commande publique et notamment l’obligation de prévoir une publicité minimale, aux contrats exclus des procédures de publicité et de mise en concurrence[21] (contrats privés, contrats inférieurs aux seuils fixés par le code[22], contrats In House[23] et de coopération entre les personnes publiques, contrats qui exigent le secret, contrats d’emprunt, etc.).
En conclusion, l’arrivée de ce nouveau Code devrait permettre une meilleure visibilité de l’ensemble des règles de la commande publique autrefois éparpillées ainsi qu’une stabilité accrue du fait de l’intégration de nombreuses jurisprudences.
Cependant, ce Code n’est pas figé puisqu’il faut s’attendre à l’intégration de futures lois dont celle issue du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.
Ce projet de loi prévoit, notamment, une extension de la liste des services juridiques qui ne sont pas soumis aux règles des marchés publics[24] et des concessions[25] pour y intégrer les marchés et concessions de services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant[26].
[1] Bertrand Dacosta et Sophie Roussel, L’écriture du Code, AJDA 2019 p.380
[2] Article L 1100-1 du Code de la commande publique : exclusion du contrat de travail, de la convention de transfert de compétence et/ou responsabilité, de la convention d’occupation domaniale et des subventions
[3] Le Code renvoie parfois à la loi de 1975 qui n’est pas abrogée puisque applicable aux marchés privés
[4] François Brenet, La codification des textes « épars » du droit de la commande publique, AJDA 2019, p 392
[5] Article L 2197-6 du Code de la commande publique(il est à noter que la suspension de la prescription en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable ou du médiateur des entreprises est prévue aux articles L 2197-3 et 4 du Code)
[6] Incluant notamment la notion de prix négatif de l’arrêt société Jean-Claude Decaux du 4 novembre 2015 (Céline Frackowiak, Des ordonnances de transposition au code de la commande publique, AJDA 2019, p.396)
[7] Article L 2125-1 du Code de la commande publique
[8] La délégation de service public reste définie par l’article L 1411-1 du CGCT
[9] CE, 29 avril 1970, n° 77935, Société Unipain
[10] CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria et CC, DC, 26 juin 2003, n° 2003-473 DC
[11] Bertrand Dacosta et Sophie Roussel, L’écriture du Code, AJDA 2019 p.380
[12] CE, 8 avril 2009, n° 271737, Compagnie générale des eaux
[13] CE, 8 octobre 2014, n° 370644, Société Grenke location
[14] CE, 30 mars 1916, n° 59928, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux
[15] CE, 2 février 1983, n° 34027, Union des transports publics urbains et régionaux
[16] CE, 2 mai 1985, Distillerie de Magnac-Laval
[17] CE, 29 mai 2013, n° 366606, Ministre de l’intérieur c/ société Arteis
[18] CE, 9 novembre 2016, n° 388806, société Fosmax LNG
[19] CE, 14 février 2017, n° 405157, Société manutention portuaire d’Aquitaine
[20] CE, 21 décembre 2012, n° 342788, Commune de Douai
[21] Contrats répondant aux définitions des marchés publics ou des concessions, mais qui ne sont pas soumis aux dispositions issues des ordonnances du 23 juillet 2015 et du 29 janvier 2016
[22] Article R 2122-8 du Code de la commande publique
[23] Article L 2511-1 et suivants du Code de la commande publique : contrats de quasi-régie
[24] Article 14, 10° de l’ordonnance du 23 juillet 2015
[25] Article 13, 8° de l’ordonnance du 29 juillet 2016
[26] Représentation dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits et, services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation d’une procédure ou lorsqu’il existe un risque que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure (François Brenet, La codification des textes « épars » du droit de la commande publique, AJDA 2019, p 394)