LETTRE DU CABINET – NOVEMBRE 2016
Le Contentieux de la Taxe sur les surfaces commerciales (« TASCOM »).
La dotation globale de fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) comporte une dotation d’intercommunalité et une dotation de compensation. Pour compenser la perte de recettes subie par les collectivités territoriales du fait de la suppression de la taxe professionnelle, le législateur, a transféré, à compter du 1er janvier 2011, la Taxe sur les surfaces commerciales (« TASCOM »), prévu à l’article 3 de la loi n°72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, au niveau local.
Depuis 2011, en application de l’article 77 de la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de Finances pour 2010, le produit de cette taxe est perçu par les EPCI à fiscalité propre sur le territoire desquels est situé l’établissement imposable.
Néanmoins, souhaitant conserver un niveau de ressources équivalent à celui qu’il percevait antérieurement à cette réforme, l’Etat a compensé le transfert de la TASCOM aux collectivités territoriales, pour l’année 2011 seulement, par des prélèvements d’un montant égal à celui que percevait l’Etat en 2010.
La règle appliquée est la suivante : les prélèvements s’effectuent sur la dotation de la collectivité concernée (cf. : paragraphe 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de Finances pour 2010), et en cas d’insuffisance de son montant se complète à partir des ressources fiscales propres de l’EPCI (article L.2334-7 du code général des collectivités territoriales).
Il en résulte que le transfert était financièrement neutre pour l’Etat en 2011 puisque la perte de produit fiscal est compensée par les prélèvements effectués auprès des collectivités.
Ces prélèvements ont ensuite été reconduits, chaque année, par des circulaires et des notes d’informations et non par des lois de finances rectificatives successives :
- Circulaire n° COT/B/12/05598/C du 15 mars 2012 (http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/circulairerepartdotationinterco_150312.pdf)
- Circulaire NOR : INTB1310165C du 5 avril 2013 (http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/circulaire_dotation_intercommunalite_2013.pdf) ;
- Note d’information NOR : INTB1409566N du 25 avril 2014 (http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/note_epci__2014-1.pdf).
Or, le Conseil d’Etat, dans un arrêt « Communauté de Communes du Val de Sèvres », rendu le 16 juillet 2014, est venu annuler le paragraphe de la circulaire du 5 avril 2013 susvisé qui précédé à l’extension du mécanisme de compensation après 2011 en considérant que :
« « Les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et sur les recettes fiscales perçues par les EPCI, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l’Etat à ces établissements publics, ne sont applicables qu’au titre de la seule année 2011 » (CE, 16 juillet 2014, n°3697369, Communauté de Communes du Val-de-Sèvre).
Ayant pris connaissance de cette décision, un nombre important d’PECI ont engagé des recours afin d’obtenir le remboursement des sommes indument versées en application de ce mécanisme.
A l’heure actuelle, plusieurs tribunaux administratifs ont ainsi eu l’occasion de se prononcer sur la question :
- Tribunal administratif de Grenoble, 29 octobre 2015, n°1407725, Communauté de communes du Pays roussillonnais;
- Tribunal administratif de Pau, 9 février 2016, n°1402532, La communauté de communes de Maremne-Adour-côte-sud ;
- Tribunal administratif de Pau, 1er mars 2016, nos 1500752 et 1500884, La communauté d’agglomération du Grand Dax ;
- Tribunal administratif de Dijon, 17 mai 2016, n°1500985, Communauté de communes de l’Orée de Puisaye
Sur le fond, les tribunaux ont estimé que le même raisonnement devait naturellement s’appliquer pour les exercices 2012 et 2014, les textes législatifs et réglementaires n’ayant pas variés sur ce point avant l’adoption de la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de Finances pour 2015, dont l’article 114 est venu régulariser le dispositif pour l’année 2015.
Le bien-fondé d’un éventuel recours réside donc essentiellement sur la recevabilité de la requête. Or, l’ensemble des tribunaux intervenus à ce jour, ont considéré les recours formés par les différents EPCI recevables en considérant que les décisions de notification de dotations de compensation pour les années 2012, 2013 et 2014 n’étaient pas devenues définitives. Pour conclure ainsi, les tribunaux ont relevé l’impossibilité de déterminer la date de notification des décisions attributives de dotation de compensation et ainsi le point de départ du délai de recours.
Pour rappel, la notification des dotations s’effectue de la manière suivante :
- Le montant de la dotation est notifié par courrier simple aux EPCI dans un premier temps, avec généralement mention des voies et délais de recours gracieux et contentieux.
- Puis les services de la Préfecture procèdent à l’envoi de « fiches individuelles DGF », généralement au mois de juillet, ces dernières détaillant les modalités de calcul et ne présentant généralement aucune mention des voies et délais de recours gracieux et contentieux.
Ainsi, les Préfectures ont tenté de se défendre en indiquant que seules les premières pouvaient être considérées comme faisant grief, afin d’écarter tout débat autour de l’absence de mention des voies et délais de recours sur les secondes.
Or, les tribunaux administratifs ont considéré que les décisions de notification ne peuvent être considérées comme définitives :
- Si les fiches de notification individuelles de dotation, adressés par Monsieur le Préfet à la collectivité ne contiennent pas la mention des voies et délais de recours.
- Si ces fiches contiennent la mention des délais et voies de recours, mais que Monsieur le Préfet n’a ni produit l’avis de réception de ces décisions, ni précisé leur date de notification.
Les recours devraient donc continuer d’affluer devant les tribunaux administratifs en attendant une éventuelle décision contraire rendue par l’une des Cour administratives d’appel déjà saisi.