Les temporalités de la régularisation en droit de l’urbanisme – Août 2020
Le régime de régularisation des actes en droit de l’urbanisme est régulièrement précisé par le juge administratif. L’arrêt du Conseil d’État SCI L’Harmas du 29 juillet 2020 (n°428158) illustre l’importance de la temporalité en matière de régularisation.
La régularisation des autorisations d’urbanisme (L. 600-5-1 du code de l’urbanisme) et des documents d’urbanisme (L. 600-9 du code de l’urbanisme) suit peu ou prou les mêmes règles.
De manière synthétique, comme l’a encore récemment rappelé le Conseil d’État à propos des autorisations d’urbanisme, « un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date » .
Et pour apprécier les vices affectant le bien-fondé des autorisations, le juge doit apprécier leur caractère régularisable « au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue » (mêmes arrêts).
Il est ainsi admis qu’un permis qui méconnaît une règle de fond puisse être régularisé si la règle méconnue a été entre-temps modifiée
Bien qu’il bouscule l’office du juge administratif réparti classiquement entre contentieux de l’excès de pouvoir (appréciation de la légalité de l’acte à la date de son édiction) et contentieux de la pleine juridiction (appréciation de la situation à la date à laquelle le juge statue), l’office du « juge régulateur » a l’attrait de la simplicité :
– Les vices de forme et de procédure (légalité externe) sont réparés selon les règles applicables à la date de l’acte initial irrégulier ;
– Les vices de fond (légalité interne) sont réparés selon les règles de fond applicables à la date de l’acte de régularisation.
Cette binarité de la temporalité des modalités de régularisation est également appliquée en matière de documents d’urbanisme.
À ce titre, par son arrêté Commune de Sempy, le juge a précisé que la régularisation des vices de forme ou de procédure affectant un document d’urbanisme doit être opérée au regard des règles en vigueur à la date d’adoption du document litigieux .
L’intérêt de l’arrêt SCI L’Harmas du 29 juillet 2020 (n°428158) repose sur les conditions de régularisation du vice d’incompétence, vice usuellement classé parmi les cas d’illégalité externe au côté des vices de forme ou de procédure.
Ainsi, et dès lors que la légalité externe d’un acte se cristallise à la date de son édiction , l’on aurait pu s’attendre à ce que la régularisation du vice d’incompétence soit réparée, comme pour les vices de forme ou de procédure, par la personne effectivement compétente à la date d’adoption de l’acte initial.
Toutefois, par pragmatisme et pour tenir compte d’un changement possible du titulaire de la compétence entre la date d’adoption de l’acte irrégulier et la date à laquelle la régularisation est envisagée, le Conseil d’État a précisé que « la compétence de l’autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation » .
Les précisions apportées par le Conseil d’État permettent ainsi de mieux appréhender le régime de régularisation des actes en droit de l’urbanisme, laissant à la doctrine et aux praticiens le soin de se confronter à la difficulté, parfois rencontrée, de déterminer ce qui relève du vice de légalité externe ou du vice de légalité interne .
1 CE, 3 juin 2020, Société Alexandra, n° 420736 ; CE, 3 juin 2020, Société Compagnie immobilière Méditerranée, n° 427781.
2 CE, 7 mars 2018, Mme Bloch, n° 404079.
3 Michaël Revert, La régularisation du vice de procédure et du vice de fond au titre de l’article L. 600-5-1, RDI 2020. 412
4 CE, sect., 22 décembre. 2017, Cne de Sempy, n°395963.
5 Aurélie Bretonneau, conclusions sur CE, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT (CFDT Finances), n°414583.
6 CE, 29 juillet 2020, SCI L’Harmas, n°428158.
7 Michaël Revert, La régularisation du vice de procédure et du vice de fond au titre de l’article L. 600-5-1, RDI 2020. 412.