Lettre du cabinet – Avril 2022
Présentation de l’ordonnance n°2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte
Face au constat de l’érosion côtière susceptible d’impacter un minimum de 50 000 logements à l’horizon 2100 (1), le législateur a adopté des dispositifs tendant à anticiper les conséquences du recul du trait de côte. Aux termes des articles 236 à 250 de la loi dite « Climat et Résilience » (2), de nouveaux mécanismes ont été créés afin que les territoires littoraux adaptent leur politique d’aménagement au recul du trait de côte. Dans ce cadre, le Gouvernement a été habilité à adopter des mesures complémentaires par voie d’ordonnance.
Tel est l’objet de l’ordonnance n°2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte qui tend à mobiliser et renforcer des outils d’aménagement et d’intervention foncière pour permettre, notamment, la relocalisation progressive de l’habitat et des activités affectés par l’érosion (3).
Quatre mécanismes majeurs résultent de cette ordonnance.
Premièrement, concernant les outils de maîtrise foncière, est créé un nouveau bail réel de longue durée nommé « bail réel d’adaptation à l’érosion côtière » (C. envir. Art. L.321-18 à L.321-33). Il est définit par le Code de l’environnement comme « le contrat de bail par lequel l’Etat, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement, consent à un preneur pour une durée comprise entre douze ans et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels immobiliers en vue d’occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte délimitées dans les conditions prévues par l’article L. 121-22-2 du code de l’urbanisme » (C. envir. Art. L.321-18 al. 1er). La spécificité de ce bail est que sa durée dépend de l’évolution du recul du trait de côte. Son terme est ainsi envisagé lorsque la sécurité des personnes ou des biens ne peut plus être effective (C. envir. Art. L.321-19).
Deuxièmement, l’ordonnance précise certains aspects du nouveau droit de préemption lié au recul du trait de côte créé par la loi « Climat et Résilience » (C. urb. art. L.219-1). Pour rappel, certaines communes listées par décret, bénéficient d’un nouveau droit de préemption leur permettant de préempter sur leur territoire, des terrains soumis à un risque de submersion à l’horizon 30 ou 100 ans. L’ordonnance régit les conséquences du transfert de propriété à la suite d’une annulation par le juge du droit de préemption (C. urb. art. L.219-11-1). Elle précise également la méthode d’évaluation des biens les plus exposés à l’horizon 30 ans. La valeur d’un bien immobilier sera déterminée par « référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans cette même zone. » (C. urb. art. L. 219-7). De plus, est créé un régime spécial sur la fixation du prix d’acquisition d’un bien, à défaut d’accord amiable, dans les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans. (C. urb., art. L. 219-7, II et III, L. 219-7-1 et L. 322-6-1). Les modalités de l’évaluation d’un bien sont similaires à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Enfin, le mécanisme des réserves foncières est étendu afin de prévenir les conséquences de l’érosion côtière sur les biens situés dans les zones exposées au recul du trait de côte (C. urb. art. L.221-1).
Troisièmement, l’ordonnance prévoit des dérogations à la loi Littoral, très encadrées, devant permettre la mise en œuvre d’un projet de relocalisation durable, pour les constructions situées dans les zones exposées au recul du trait de côte. La mise en œuvre de ces dérogations, et notamment d’une dérogation au principe d’urbanisation en continuité des agglomérations et villages existants, suppose la signature préalable d’un projet partenarial d’aménagement et la délimitation de secteurs dédiés à la relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte (C. urb. Art. L.312-8 et suivants). Ces projets partenariaux sont actuellement expérimentés dans trois communes pilotes (Lacanau, Gouville-sur-mer, Saint-Jean-de-Luz). Les dérogations aux principes cardinaux de la loi Littoral restent mesurées dans la mesure où les biens ne peuvent être relocalisés qu’en dehors des espaces proches du rivage, des espaces et milieux remarquables et, en tout état de cause, qu’au-delà d’une bande d’une largeur d’un kilomètre à compter de la limite haute du rivage.
Quatrièmement, l’ordonnance précise, pour les communes d’outre-mer exposées au recul du trait de côte, le régime juridique applicable aux espaces non urbanisés et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone exposée au recul à l’horizon de 30 ans. Dans ces zones, seules les constructions nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau peuvent être autorisées, en dehors des espaces et milieux remarquables du littoral et à condition qu’elles présentent un caractère démontable (C. urb. Art. L. 121-22-4, II).
1 Source : https://www.vie-publique.fr/loi/284738-ordonnance-6-avril-2022-littoraux-exposes-au-recul-du-trait-de-cote
2 Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets (cf. Lettres du cabinet mars et octobre 2021).
3 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte