LETTRE DU CABINET – AVRIL 2023
Des « nouvelles couleurs » de la trame verte et bleue ?
L’organisation le 4 avril dernier par l’Office français de la biodiversité (OFB) d’une journée d’échanges sur le thème « Quand la Trame verte et bleue prend de nouvelles couleurs : une opportunité pour une approche élargie des réseaux écologiques ? » est l’occasion pour le cabinet de faire le point sur ces continuités écologiques que les personnes publiques doivent prendre en considération notamment dans le cadre l’élaboration de leurs documents de planification.
La trame verte et bleue (TVB) vise à enrayer la perte de biodiversité en préservant les milieux nécessaires aux continuités écologiques. Instituée par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 dite loi Grenelle I, elle s’inspire de la notion de solidarité écologique introduite par la loi sur les parcs nationaux en 2006[1], notion aujourd’hui inscrite au rang des principes généraux du code de l’environnement. Le principe de solidarité écologique inscrit à l’article L110-1 II 6° du code de l’environnement est défini comme étant le principe « qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ».
La politique de la trame verte et bleue repose sur trois niveaux :
- Les orientations nationales[2] pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. Celles-ci doivent être prises en compte par exemple lors de la conception des grandes infrastructures linéaires étatiques et par les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) ;
- Le schéma régional de cohérence écologique (SRCE), document stratégique pour l’aménagement durable des territoires, dans le respect de la biodiversité. Plus concrètement, ce schéma permet aux collectivités d’adapter la trame verte et bleue à leurs territoires en y associant toutes les parties prenantes ;
- Les documents de planification et projets de l’État et des collectivités territoriales tels que le plan local d’urbanisme – PLU, plan local d’urbanisme intercommunal – PLUI, le schéma de cohérence territoriale – SCOT, carte communale, qui traduisent localement le SRCE.
À ce sujet, une ordonnance du 17 juin 2020[3] impose pour les documents dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter du 1er avril 2021, la compatibilité et non plus la « prise en compte » des SCOT et en leur absence des PLU vis-à-vis du SRCE ou du chapitre du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) valant SRCE.
De son côté, le juge administratif durcit sa position en admettant par exemple que soit contestée l’ouverture à l’urbanisation d’un secteur à l’occasion de la révision d’un plan local d’urbanisme (PLU) pour atteinte à la préservation d’une trame verte pourtant présente dans le SCOT. [4]
Si la trame verte et bleue est la seule qui soit à ce jour prévue par le droit objectif, les parties intéressées à la TVB se mobilisent depuis plusieurs années sur les nouvelles couleurs de la trame. Sont ainsi envisagées, et parfois déjà mises en œuvre, différentes déclinaisons chromatiques telles que la trame noire visant à protéger les espèces de la pollution lumineuse, et pour laquelle des avancées de la réglementation sont notables [5], la trame blanche en lien avec les pressions sonores, la trame brune pour le sol ou encore la trame turquoise pour les milieux humides.
À y regarder de plus près, et bien que les textes ne mentionnent que la trame verte et bleue, les dispositions du code de l’environnement englobent déjà, sans les nommer, ces différentes couleurs pour peu qu’elles apparaissent comme étant des sous-trames, ou des déclinaisons thématiques de la trame verte et bleue.
La trame turquoise ne pose pas de difficulté dès lors que le texte vise explicitement la préservation des zones humides. Les trames noire et blanche, qui visent à garantir aux espèces des espaces continus dans lesquels elles peuvent circuler, se nourrir, se reproduire et se reposer afin d’assurer leur cycle de vie, répondent à l’exigence de prise en compte de la biologie des espèces sauvages déjà assignée à la trame verte et bleue[6].
[1] Dossier « Le réveil du dodo III » – La solidarité écologique : un nouveau concept pour une gestion intégrée des parcs nationaux et des territoires, Raphaël Mathevet, John Thompson, Olivia Delanoë, Marc Cheylan, Chantal Gil-Fourrier et Marie Bonnin.
[2] Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2
[3] Ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d’urbanisme
[4] CAA Bordeaux, 21 janvier 2017, n° 14BX03698.
[5] Arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses.
[6] L. 371-1, I.-, 4° du code de l’environnement.