Lettre du cabinet – Décembre 2020
Des pouvoirs coercitifs du Maire en matière d’urbanisme
Si la voie pénale doit toujours être suivie pour que les infractions au code de l’urbanisme soient sanctionnées, les délais de procédure invitent à envisager la mise en œuvre de nouveaux pouvoirs coercitifs dont dispose le Maire depuis la loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite « Engagement et proximité ».
Prenant acte de l’augmentation des infractions au code de l’urbanisme et de la charge excessive qu’elles constituent pour la justice pénale, le législateur a créé de nouvelles mesures administratives destinées à renforcer l’application du droit de l’urbanisme, afin d’obtenir rapidement une régularisation de la situation et de mieux assurer l’effectivité du droit de l’urbanisme (Voir Code de l’urbanisme Commenté – Code Dalloz ; Rép. min. n° 13576 : JO Sénat 5 mars 2020, p. 1156).
Désormais, en cas d’infraction constatée au code de l’urbanisme, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme peut, « indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée », mettre en demeure l’intéressé, sous astreinte, de régulariser sa situation par l’exécution de travaux de mise en conformité ou le dépôt d’une demande d’autorisation.
Cette procédure est codifiée aux articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l’urbanisme.
Même s’il existe des interrogations sur la mise en œuvre pratique de cette nouvelle procédure, dans l’attente des premiers jugements portant sur l’application des dispositions, les différentes étapes de la procédure de mise en demeure de régulariser peuvent être synthétisées de la manière suivante :
1- La constatation de l’infraction au code de l’urbanisme par procès-verbal.
2- L’envoi d’un courrier d’invitation de l’intéressé à présenter ses observations.
Par précaution, cette invitation devrait, notamment, mentionner :
– Les faits reprochés,
– Les mesures envisagées (mise en demeure avec ou sans astreinte),
– La possibilité pour l’intéressé de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
– La possibilité pour l’intéressé de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
3- L’adoption d’un arrêté de mise en demeure de l’intéressé de procéder au dépôt d’une demande d’autorisation visant à régulariser les infractions constatées ou de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause, mentionnant, notamment :
3.1- Le délai d’exécution devant tenir compte de la nature de l’infraction et des moyens pour y remédier et qui ne peut excéder un an.
3.2- Le montant de l’astreinte (facultative), tenant compte des conséquences de la non-exécution de la mise en demeure, dont le montant journalier ne peut excéder 500 € par jour de retard et dont le montant total ne peut excéder 25 000 €, tenant compte des conséquences de la non-exécution de la mise en demeure.
N.B. Tenant le caractère administratif de la mesure, l’arrêté devra être motivé et préciser ainsi la nature de l’infraction commise ainsi que les considérations de droit et de fait justifiant la nature des opérations d’exécution sollicitées, le délai d’exécution et le montant de l’astreinte.
4- En cas d’inexécution au terme du délai imparti :
4.1- La Liquidation et recouvrement de l’astreinte par trimestre échu, selon les conditions prévues en matière de produits communaux.
4.2- La Consignation entre les mains du comptable public d’une somme équivalant au montant des travaux à réaliser.
La simplicité du dispositif ne doit toutefois pas masquer certaines incertitudes qui demeurent au regard des termes employés par les textes et l’absence de précision apportée par le législateur.
Les principales incertitudes concernent d’une part la détermination de « l’intéressé », c’est-à-dire la personne à qui la mise en demeure sous astreinte pourra être régulièrement adressée, et d’autre part la détermination des délais qui devront être laissés à l’intéressé pour présenter ses observations (étape n°2), voire ceux laissés pour procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité (étape n°3).
S’agissant de la détermination de « l’intéressé » au sens de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme :
Tenant le lien étroit entre la procédure pénale et la procédure de mise en demeure sous astreinte (un même procès-verbal de constat constituant le point de départ commun aux deux procédures), et sous réserve de l’appréciation du juge, il est possible de considérer que « l’intéressé » au sens de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme sera la personne pénalement responsable au sens des articles L. 480-1 et suivants dudit code.
Ainsi, les intéressés pourraient être « les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution » des travaux incriminés (cf. L. 480-4 du code de l’urbanisme).
S’agissant de la détermination des délais :
L’obligation d’inviter l’intéressé à présenter ses observations conduit à rapprocher la nouvelle procédure de la procédure existante en matière d’arrêté interruptif de travaux ou, plus largement, des procédures contradictoires prévues au titre du Code des relations entre le public et l’administration (L. 122-1 CRPA). Il est donc possible de se tourner vers ces procédures pour évaluer ce qui pourra être considéré comme un délai suffisant. À titre d’illustration, un délai de huit jours a été jugé suffisant entre l’invitation à présenter des observations et l’arrêté interruptif de travaux (CAA Marseille, 12 févr. 2010, Min. d’État, min. de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable, n°07MA04816).
Dans l’attente de la position du juge sur ce point et par prudence, il apparait indispensable d’envisager la mise en œuvre de cette nouvelle procédure par analogie au régime des sanctions administratives et des mesures de police de l’urbanisme.