LETTRE DU CABINET – DECEMBRE 2024
Crèche de la nativité et espace public
Faisant écho au dossier thématique du Conseil d’Etat de décembre 2024 portant sur le juge administratif et l’application du principe de laïcité[1], cette fin d’année 2024 n’aura pas fait exception à la désormais traditionnelle question de l’installation d’une crèche de la nativité dans l’espace public.
Par ordonnance du 20 décembre 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes a suspendu l’exécution de la décision par laquelle le maire de la commune de Beaucaire a décidé d’installer une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de ville et lui a enjoint de retirer ladite crèche dans un délai de 48 heures sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Le juge des référés a estimé que l’installation en cause méconnaissait, à défaut de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes résultant de l’article 1er de la Constitution et des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.
Le juge a ainsi appliqué les conditions posées par les décisions Commune de Melun[2] et Fédération de la libre pensée de Vendée[3] qui, bien que d’application toujours délicate, sont claires :
– Les exigences attachées au principe de neutralité s’opposent, par principe, à l’installation par les personnes publiques, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse ;
– Une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une signification cultuelle (iconographie chrétienne à caractère religieux) ou culturelle (décoration accompagnant traditionnellement les fêtes de fin d’année, sans signification religieuse particulière).
– Au regard de cette pluralité de signification, l’installation de crèches dans l’espace public peut être admise uniquement lorsqu’elles présentent un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse.
Dans l’enceinte des bâtiments publics, c’est au regard du contexte, d’existence d’usages locaux et de « constances particulières » que l’installation d’une crèche pourra être regardée comme présentant un caractère culturel, artistique ou festif.
Dans les autres emplacements publics, l’installation d’une crèche sera admise, en présumant de son rattachement au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, sous réserve de ne pas constituer un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.
[1] Les dossiers thématiques du Conseil d’État, « Le juge administratif et l’application du principe de laïcité », Décembre 2024.
[2] CE, Ass, 9 novembre 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223.
[3] CE, Ass, 9 novembre 2016, Commune de Melun c/Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 395122.