LETTRE DU CABINET – MARS 2023
De l’oralité de l’instruction devant les juridictions administratives
Alors que l’oralité occupe – théoriquement – une place de choix tout au long de la procédure devant le juge judiciaire, il n’en est pas de même en matière de contentieux administratif. En effet, mis à part les référés, la procédure et l’instruction devant le juge administratif sont essentiellement écrites, les parties étant invitées à formuler de simples observations orales le jour de l’audience (des explications plus poussées sont cependant parfois nécessaires dans les matières techniques). En outre, la procédure dite « d’enquête à la barre » permet uniquement l’audition de témoins. [1]
Néanmoins, le décret n° 2023-10 du 9 janvier 2023 relatif aux procédures orales d’instruction devant le juge administratif a introduit des innovations procédurales majeures par l’insertion d’un chapitre V intitulé « les procédures orales d’instruction » comportant les articles R. 625-1 et R. 625-2 dans le code de justice administrative (CJA). Il se présente à la fois comme une pérennisation et une généralisation de cette instruction orale à toute la justice administrative (tribunaux, cours administratives d’appel et Conseil d’Etat), après une expérimentation d’une durée de 18 mois par le Conseil d’Etat. [2]
Premièrement, l’article R625-1 du code de justice administrative permet désormais au juge administratif de tenir une séance orale d’instruction en présence des parties. Cette audition porte sur toute question de fait et de droit jugée utile par la formation de jugement du tribunal, d’une cour ou de la formation chargée de l’instruction au Conseil d’Etat. Les parties sont convoquées par courrier et sont informées des questions susceptibles d’être évoquées. De plus, toute autre question peut être examinée lors de cette même séance et toute personne dont l’audition présente un intérêt peut être appelée.
Deuxièmement, l’article R625-2 du même code offre la possibilité à la formation de jugement de tenir une audience publique d’instruction pour les mêmes raisons que celles décrites précédemment avec toutefois deux différences :
-cette audience ne peut avoir lieu moins d’une semaine avant la date de jugement de l’affaire ;
– le texte ne permet pas, du moins pas explicitement, d’examiner d’autres questions que celles qui sont prévues dans la convocation adressée aux parties.
Enfin, si le texte s’inscrit dans un mouvement tendant au renforcement de l’oralité devant les juridictions administratives, force est de constater une tendance inverse devant le juge judiciaire où l’oralité amoindrie présente des formes renouvelées[3].
[1] Articles R.623-1 à R.623-8 du CJA
[2] Décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant expérimentation au Conseil d’Etat des procédures d’instruction orale et d’audience d’instruction et modifiant le code de justice administrative.
[3] J. Courtois, « L’oralité devant le nouveau Tribunal Judiciaire : une autonomie de la volonté renforcée pour un procès à la carte », Les cahiers du droit, 2021, Vol.62, p.899 n°3