Lettre du cabinet – Novembre 2020
Rationalisation de la hiérarchie des normes d’urbanisme et modernisation des SCoT
La sédimentation des normes d’urbanisme et l’enrichissement constant de la transversalité des objectifs assignés aux différents documents d’urbanisme ont régulièrement poussé le législateur à tenter de clarifier et simplifier la hiérarchie des normes ainsi que les liens d’opposabilité entre documents d’urbanisme.
Dans cette optique, la loi ELAN (n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) a autorisé le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour prendre toutes mesures propres à « limiter et simplifier à compter du 1er avril 2021 les obligations de compatibilité et de prise en compte pour les documents d’urbanisme ». Le gouvernement a également été habilité à prendre les mesures permettant « de tirer les conséquences de la création du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires [SRADDET] (…) et du transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme ».
Tel est l’objet des ordonnances adoptées le 17 juin 2020, respectivement relatives à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d’urbanisme (n° 2020-745) et à la modernisation des schémas de cohérence territoriale (n° 2020-744).
La rationalisation de la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme (SCoT, PLU, cartes communales), mise en œuvre pour les documents dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter du 1er avril 2021, repose sur trois vecteurs.
D’une part, l’ordonnance réduit le nombre de documents opposables aux SCoT, PLU et cartes communales tout en renforçant le rôle du SCoT en tant que document intégrateur de toutes les politiques sectorielles ayant un rôle en urbanisme.
Sont ainsi exclus du lien d’opposabilité, les Directives territoriales d’aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 (DTA), les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine (SRDAM), les schémas départementaux d’accès à la ressource forestière et les chartes de développement de Pays.
D’autre part, pour rationaliser la hiérarchie des normes, l’ordonnance systématise l’exigence de compatibilité entre un document et le document qui lui est supérieur.
Le lien de compatibilité n’est pas pour autant unique puisque l’exigence de prise en compte demeure s’agissant des objectifs des SRADDET et aux programmes d’équipement de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et services publics.
Enfin, l’ordonnance unifie les délais de mise en compatibilité et de prise en compte. Jusqu’à présent, les délais de mises en compatibilité pouvaient être différents selon les documents sectoriels en cause et pouvaient nécessiter le lancement d’une procédure de mise en compatibilité alors même que la précédente n’était pas approuvée.
Pour pallier aux difficultés inhérentes à la temporalité des exigences de mise en compatibilité et de prise en compte, l’ordonnance impose seulement à l’établissement public compétent ou à la commune de procéder, tous les trois ans, à une analyse de la compatibilité de leur document d’urbanisme avec les documents supérieurs et de se prononcer sur son maintien en vigueur ou sa mise en compatibilité. L’ordonnance prévoit toutefois que l’analyse de comptabilité du PLU avec le SCoT doit intervenir dans un délai d’un an à compter de l’adoption du SCoT, de sa révision ou de la délibération de l’EPCI décidant de la mise en compatibilité du SCoT avec les documents qui lui sont supérieurs.
La simplification des délais de procédure pouvait laisser craindre un risque d’insécurité juridique dès lors que l’illégalité d’un document d’urbanisme peut résulter de circonstances de faits et de droit postérieures à son adoption (CE, 2 oct. 2019, Commune de Limonest, n°420808).
Toutefois, le gouvernement a pris le soin de consacrer une « immunité juridictionnelle » en prévoyant que jusqu’à la fin des délais de mise en compatibilité de trois ans, ou un an s’agissant des rapports PLU/SCOT, le document ne serait pas compatible ou ne prendrait pas en compte le document supérieur (SCOT et Hiérarchie des normes : Horizon 2021 – Dictionnaire permanent, Bulletin n°522-1).
La modernisation des SCOT vise à redonner à ce document de planification à long terme sa dimension politique et stratégique. Pour ce faire, et pour tenir compte de la possible identité entre le périmètre du Scot et celui du PLU intercommunal, le périmètre du SCoT évolue pour se rapprocher de celui des bassins d’emploi et bassins de mobilité. La modernisation s’inscrit aussi sous le signe de la simplification.
D’un point de vue formel, le rapport de présentation est supprimé et ses principales composantes (diagnostic, évaluation environnementale, etc.) sont renvoyées en annexe, à l’exception de la justification de la compatibilité avec les normes supérieures qui est supprimée.
Le PADD est renommé « Projet d’aménagement stratégique » (PAS) et le Document d’orientation et d’objectifs (DOO) est simplifié en étant organisé autour de trois grands thèmes (économie, habitat, transitions écologique et énergétique).
S’agissant du contenu, le SCoT se voit offrir la faculté d’intégrer le contenu des Plans climat-air-énergie territorial ainsi que la possibilité d’adopter un « programme d’actions » visant à accompagner la mise en œuvre de la stratégie, les orientations et les objectifs retenus par le SCoT.
Enfin, l’ordonnance supprime l’accord de l’Etat préalable à l’approbation du chapitre individualisé du SCoT valant SMVM pour permettre plus facilement aux SCoT, comprenant une ou plusieurs communes littorales, de « fixer les orientations fondamentales de l’aménagement, de la protection et de la mise en valeur de la mer et du littoral ».
La nouvelle mouture du volet littoral des SCoT devrait ainsi permettre de redonner toute sa vigueur au principe de compatibilité limitée, le Conseil d’Etat ayant récemment confirmé que dans le cas où le territoire concerné est couvert par un SCOT précisant les conditions de mise en œuvre de la Loi Littoral, la compatibilité d’un PLU s’apprécie avec les prescriptions du SCoT relatives à l’application des dispositions du Code de l’urbanisme particulières au littoral « sans pouvoir en exclure certaines au motif qu’elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières » (CE, 28 septembre 2020, Cne du Lavandou, n°423087, Lebon T.).
Les efforts de rationalisation, de modernisation et de simplification portés par les ordonnances n° 2020-745 et n° 2020-744, dont l’entrée en vigueur est programmée au 1er avril 2021, pourraient être toutefois contrariés par les différentes possibilités d’entrée en vigueur anticipée, ajoutant ainsi un facteur de complexité.