Lettre du cabinet – novembre 2021
Commande publique et matériaux biosourcés
Les matériaux biosourcés sont définis comme « une matière issue de la biomasse végétale ou animale pouvant être utilisée comme matière première dans des produits de construction et de décoration, de mobilier fixe et comme matériau de construction dans un bâtiment » (1) . Leur utilisation revêt principalement deux avantages. D’une part, des avantages environnementaux (l’utilisation de ressources renouvelables, la préservation des ressources naturelles, la réduction des émissions de gaz à effet de serre). D’autre part, des avantages économiques (la valorisation des constructions neuves, la dynamisation du tissu économique local, le développement et la structuration d’éco-industries dans les territoires).
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite Climat et résilience, a fixé un objectif chiffré pour l’utilisation des matériaux biosourcés dans la commande publique. L’article L. 228-4 du Code de l’environnement relatif à la performance environnementale de la commande publique a ainsi été enrichi d’un troisième aliéna selon lequel « À compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone intervient dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique (…) ».
En l’état, le Code de la commande publique ne comporte pas de disposition spécifique relative à l’utilisation des matériaux biosourcés et c’est notamment par le prisme des dispositions relatives au développement durable et aux aspects environnementaux de la commande publique que l’utilisation des matériaux biosourcés peut déjà être envisagée.
Certains leviers à disposition des acheteurs publics peuvent être retrouvés dans un guide publié en 2020 par le ministère de la Transition écologique faisant écho aux conseils dispensés par le Cabinet à l’occasion de ses interventions entre 2015 et 2017 dans le cadre de la formation des « Ambassadeurs des matériaux biosourcés » organisée par le CMVRH, Centre Ministériel de Valorisation des Ressources Humaines sous l’égide du Ministère de l’Environnement, à la suite de la publication du guide rédigé par le Cabinet pour la région Languedoc-Roussillon, intitulé « Comment faciliter l’Eco-construction et l’Innovation dans les marchés publics ? Guide à destination de la commande publique ».
Dans l’attente du décret qui précisera la nature des travaux de rénovation lourde et les seuils au-delà desquels le recours aux matériaux biosourcés sera obligatoire pour les acheteurs publics, l’usage de ces matériaux est déjà possible grâce à un contexte normatif favorable et à la mobilisation d’outils classiques de la commande publique, au demeurant renforcés par la loi Climat et résilience.
Pour favoriser l’usage des matériaux biosourcés, dans le nécessaire respect des principes de la commande publique, l’acheteur devra notamment chercher à inscrire sa démarche et déterminer ses besoins au regard des exigences d’exemplarité énergétique et environnementale de travaux de construction sous maîtrise d’ouvrage publique déjà envisagées par la loi pour la croissance verte en 2015 (2) et ses décrets d’application (3).
Cette démarche est favorisée depuis la création de l’article L. 3-1 du Code de la Commande publique selon lequel l’achat public « participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » ou encore la modification des articles L. 2111-2 et L. 2112-1 du code précité introduisant respectivement l’exigence de prise en compte des objectifs de développement durable dans les spécifications techniques et les conditions d’exécution du marché.
La dimension environnementale de la commande publique n’est pas nouvelle, comme en atteste l’admission ancienne de critères environnementaux au titre des critères de sélection des offres (4).
La loi Climat et résilience renforce cette dimension en introduisant l’obligation pour les acheteurs et les autorités concédantes de fixer au moins un critère d’attribution devant prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre (L. 2152-7 et L. 3124-5 du CCP), même si les acheteurs et les autorités concédantes restent libres dans la pondération de ce critère environnemental.
L’on peut enfin relever la mise à disposition des acheteurs par l’Etat, au plus tard le 1er janvier 2025, d’« outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat. Ces outils intègrent le coût global lié notamment à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c’est pertinent, les coûts externes supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation ».
Ces outils devraient inciter les acheteurs à recourir au critère unique déterminé selon une approche globale fondée sur le coût du cycle de vie en limitant le risque d’atteinte au caractère non discriminatoire des critères d’attribution en l’absence de méthode objective de calcul, comme le juge a déjà pu le faire vis-à-vis d’un marché dont l’attribution reposait pour partie sur un critère relatif à l’impact environnemental des offres évalué sur la base d’un bilan carbone dont le règlement de consultation ne précisait ni le contenu ni les modalités d’appréciation (5).
Bien que l’obligation d’usage des matériaux biosourcés soit renvoyée au 1er janvier 2030 et que les dispositions de la loi Climat et résilience plus largement favorables à l’achat durable doivent entrer en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 22 août 2026, les outils classiques de la commande publique permettent déjà aux acheteurs volontaires d’y recourir.
(1) Arrêté du 19 décembre 2012 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label bâtiment biosourcé
(2) Loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.
(3) Décret n° 2016-1821 du 21 décembre 2016 relatif aux constructions à énergie positive et à haute performance environnementale sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales ; Décret n° 2016-412 du 7 avril 2016 relatif à la prise en compte de la performance énergétique dans certains contrats et marchés publics.
(4) CJCE, 17 sept. 2002, Concordia Bus Finlande (aff. C-513/99).
(5) CE 15 février 2013, n° 363921, Société Derichebourg Polyurbaine.