Lettre du cabinet – octobre 2021
Les documents d’urbanisme et l’intégration du recul du trait de côte
Parmi les 305 articles de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite Climat et résilience, un chapitre est dédié à l’adaptation des territoires aux effets du dérèglement climatique et porte essentiellement sur la question du recul du trait de côte. Outre l’articulation entre la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et les stratégies locales ou encore l’institution du droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, la loi détaille la manière dont le recul du trait de côte sera appréhendé par les différents documents d’urbanisme et ses conséquences opérationnelles.
Tout commencera avec l’identification, par une liste fixée par décret et révisée au moins tous les neuf ans, des communes présentant une vulnérabilité particulière de leur territoire au recul du trait de côte (C. Env. art. L.321-15).
À compter de la publication de cette liste, les communes qui y sont et dont le territoire n’est pas couvert par un plan de prévention des risques comprenant des dispositions relatives au recul du trait de côte, disposeront d’un délai d’an pour engager une procédure d’évolution du plan local d’urbanisme et d’un délai de 3 ans à compter de l’engagement précité pour approuver la procédure d’évolution. À défaut, ces communes devront adopter une carte de préfiguration (C. Urb. art. L. 122-22-3).
Pour l’heure, les délais d’évolution des documents des communes dont le territoire est couvert par un plan de prévention des risques comprenant des dispositions relatives au recul du trait de côte ne sont pas précisés.
Il appartiendra d’une part aux communes concernées, « lorsque la projection du recul du trait de côte à l’horizon de trente ans le justifie », de porter à la la largeur de la bande littorale, au sein de laquelle l’urbanisation est proscrite, à plus de cent mètres (C. Urb. art. L. 121-19).
Il appartiendra d’autre part à ces communes de délimiter deux types de zones, les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans et les zones exposées au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans (C. Urb. art. L. 122-22-2).
Par ailleurs, les auteurs des plans locaux d’urbanismes pourront définir, au sein de leurs orientations d’aménagement et de programmation, les actions et les opérations nécessaires pour réorganiser le territoire au regard de la disparition progressive des aménagements, équipements, constructions et installations dans les zones exposées au recul du trait de côte (C. Urb. art. L. 151-7). Ils pourront également déterminer des emplacements réservés à la relocalisation d’équipements, de constructions et d’installations exposés au recul du trait de côte (C. Urb. art. L. 151-41), lesquels devront nécessairement être compatibles avec les secteurs de relocalisation que les Schémas de cohérence territoriale et les Schémas d’aménagement régionaux peuvent dorénavant identifier (respectivement, C. Urb. art. L. 141-13 et CGCT art. L. 4433-7-2).
Au sein des zones exposées à l’érosion littorale telles qu’identifiées à plus ou moins long terme, les possibilités de construction seront limitées et soumises à une condition sine qua non de réversibilité.
Dans les espaces urbanisés des zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans, seuls pourront être autorisés, les constructions ou installations nouvelles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, et l’extension des constructions existantes, à condition qu’elles présentent un caractère démontable. Les travaux de réfection et d’adaptation des constructions existantes seront également admis (C. Urb. art. L. 122-22-4).
Dans les espaces non urbanisées de la bande littorale (des cent mètres et possiblement plus) relevant des zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans, seuls pourront être autorisés, seules seront autorisées les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau peuvent être autorisées sur le fondement de l’article L. 121-17, à condition toutefois qu’elles présentent un caractère démontable.
Concernant les zones exposées au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans, les constructions nouvelles autorisées après l’entrée en vigueur des plans intégrant l’érosion littorale seront soumises à une obligation de démolition et de remise en état du terrain lorsqu’il sera constaté que « le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au-delà d’une durée de trois ans » (C. Urb. art. L. 122-22-5, I).
Pour garantir la réversibilité de ces constructions nouvelles, les bénéficiaires des autorisations d’urbanisme devront, préalablement à l’exécution des travaux autorisés, consigner entre les mains de la Caisse des Dépôts une somme correspondant au coût prévisionnel de la démolition et de la remise en état.
Certains ne manqueront pas de remarquer une étrangeté du dispositif dans la mesure où l’obligation de démolition et de remise en état n’est pas organisée pour les constructions nouvelles qui seraient édifiées dans les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans. Cette absence est toutefois contrebalancée par les possibilités de construction très limitées, leur caractère nécessairement démontable et l’institution, de plein droit, d’un droit de préemption spécifique dont la finalité est d’assurer la « renaturation » des biens acquis (C. Urb. art. L. 219-1 et L. 219-11).
Après avoir institué certains outils pour adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique, il reste encore au législateur à déterminer le cadre budgétaire pour accompagner l’ensemble des actions de gestion du trait de côte.