LETTRE DU CABINET – OCTOBRE 2015
La lettre du cabinet – octobre 2015
Modification du PLU et classification en zone naturelle
Une jurisprudence de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 19 mars 2015 a attiré notre attention, tenant les questions fréquentes que se posent les communes quant aux changements de zonage.
Cet arrêt commenté dans l’AJDA du 3 août 2015 consacre le fait qu’une parcelle qui était précédemment en zone urbaine ne peut pas être classée en zone naturelle à partir du moment où elle ne présente pas les caractéristiques d’une zone naturelle.
Par l’arrêt n°13XX03319 SCI290 Cour de Maréchal Gallieni, la Cour rappelle:
« Qu’il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de délimiter des zones urbaines, normalement constructibles, et des zones dites naturelles, dans lesquelles la construction peut être limitée ou interdite : que l’appréciation à laquelle se livrent les auteurs du plan, lorsqu’ils classent en zone naturelle un secteur dans lequel ils entendent limiter l’urbanisation, ne peut être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d’une erreur manifeste.
La zone en cause, qui n’a jamais supporté de vignobles et n’est pas classée dans l’aire de l’appellation contrôlée Pessac-Léognan, ne présente pas de caractère rural et figure au demeurant en zone urbaine multifonctionnelle dans le schéma de cohérence territoriale ; qu’elle ne présente pas d’avantage un caractère naturel affirmé, même si elle jouxte un vignoble qui a été agrandi par suite de la démolition d’anciens abattoirs, et ne peut pas non plus être regardée comme « une lisière urbaine plus ou moins bâtie et mal équipée », alors qu’il est constant que les parcelles sont toutes trois bâties, raccordées à tous les réseaux et parfaitement desservies par le réseau routier comme par les transports en commun ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le déclassement de ce secteur serait nécessaire pour préserver la qualité d’un paysage, alors que la zone est marquée par la diversité de constructions que la communauté urbaine reconnaît comme hétérogène.
Dans ces conditions et même si l’extension des bâtiments existants restait autorisée, cette zone ne pouvait être regardée comme « zone naturelle diversifiée et générique avec une dominante de fonctions agricoles peu valorisées » ni comme ayant une vocation viticole susceptible d’être affirmée, ni enfin comme assurant une continuité de paysage ; que dès lors son classement en zone N2g est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ».
L’amicus curiae
Une précédente lettre du cabinet était consacrée aux dispositions de l’article R.625-3 du code de justice administrative concernant l’amicus curiae.
Il y a quelques années, nous avions sollicité devant le Tribunal Administratif de Fort-de-France la désignation d’un expert en matière de santé publique concernant une problématique d’antenne relais.
Cette procédure est utilisée par les juridictions administratives concernant des problématiques techniques particulières.
L’arrêt du Conseil d’État du 6 mai 2015, que vous trouverez retranscrit ci-dessous, a annulé un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes en date du 20 novembre 2013 et a renvoyé à la même Cour le dossier.
Le Conseil d’État rappelle dans cette décision le fait que l’amicus curiae ne peut avoir de mission relative à une appréciation juridique sur une pièce du dossier.
« 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre du 2 avril 2009, le Préfet d’Ille-et-Vilaine, après avoir relevé que M.B. avait édifié des bassins et locaux d’exploitation de cultures marines sur des parcelles appartenant au domaine public maritime, l’a mis en demeure de procéder à la remise de ces parcelles en leur état initial dans le délai d’un mois ; qu’un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l’encontre de MB le 16 septembre 2009 ; que par jugement du 45 juillet 2011, le TA de Rennes, à la demande du Préfet d’Ille-et-Vilaine, a condamné MB à payer une amende de 500 € et lui a enjoint de procéder à la remise en état des parcelles du domaine public maritime sur lesquelles il avait édifié les constructions litigieuses ; que M.B. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 29 novembre2013 par lequel la CAA de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation de ce jugement ;
- Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R625-3 du code de justice administrative : « la formation chargée de l’instruction peut inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine. / L’avis est consigné par écrit. Il est communiqué aux partes [….] » ; que la demande peut prendre la forme d’un courrier du président de la formation chargée d’instruire l’affaire comme d’une décision juridictionnelle ; que cette demande, formulée auprès d’une personne dont la formation d’instruction estime que la compétence ou les connaissances seraient de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner au litige, ne peut porter que sur des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine, lesquels peuvent être des questions de droit, à l’exclusion de toute analyse ou appréciation de pièces du dossier ; que, toutefois, lorsque l’avis a été demandé ou rendu en méconnaissance de ces principes, le juge n’entache pas sa décision d’irrégularité s’il se borne à prendre en compte les observations d’ordre général, juridiques ou factuelles, qu’il contient.3. Considérant qu’en demandant à M.C., enseignant-chercheur à la faculté de droit de Nantes, sur le fondement de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, de lui indiquer si « l’aveu et dénombrement » du 1er mai 1542 dont se prévalait le requérant était susceptible de constituer un titre de propriété antérieur à l’édit de Moulins de février 1566, de sorte qu’il ferait échec au principe d’inaliénabilité du domaine public, la Cour lui a confié, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 625-3, la mission de prendre parti sur une question qui n’était pas d’ordre général et qui le conduisait à porter une appréciation juridique sur une pièce du dossier ; qu’en ne se bornant pas à tenir compte, pour rendre son arrêt, des seules observations d’ordre général contenues dans la contribution de M. C., la cour l’a entaché d’irrégularité ; qu’en outre, en se fondant exclusivement, dans son arrêt, sur l’opinion émise par M. C. pour estimer que M. B. ne pouvait exciper d’un titre de propriété sur les parcelles antérieur à l’édit de Moulins, la cour a méconnu son office ; que M. B. est, par suite, fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque. […]».