LETTRE DU CABINET – MAI 2017
Obligation de mise en concurrence des autorisations d’utilisation et d’occupation du domaine public à compter du 1er juillet 2017
Sous l’impulsion de la jurisprudence européenne[1] et sur habilitation législative[2], le Gouvernement a entrepris un profond travail de réforme du code général de la propriété des personnes publiques avec l’adoption de l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.
Parmi les mesures phares de cette réforme figurent :
- la modification de l’article L.2141-2 du CGPPP, pour étendre le dispositif du déclassement des biens du domaine public par anticipation à l’ensemble des personnes publiques et à toutes les dépendances du domaine public artificiel ,
- et la reconnaissance, par l’article L.3112-4 du même code, de la possibilité pour un bien relevant du domaine public de faire l’objet d’une promesse de vente ou d’attribution d’un droit réel civil dès lors que sa désaffectation est décidée par l’autorité compétente et que les nécessités du service public ou de l’usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse.
Au-delà de ces mesures, l’ordonnance institue de manière novatrice, une obligation de mise en concurrence précédée d’une publicité adéquate, des autorisations d’occupation du domaine public (nouvel article L.2122-1-1 CGPPP).
Le contenu de la procédure est défini de façon minimale par l’ordonnance (qui ne renvoie par ailleurs à aucun décret le soin de fixer précisément ses modalités de mise en œuvre), ce qui laisse une grande marge de manœuvre à l’autorité compétente mais qui sera aussi source d’insécurité juridique.
Il en découle une forme de souplesse n’exonérant pas la responsabilité des autorités compétentes, lesquelles devront prendre le soin de définir une procédure adaptée aux particularités de chaque espèce.
Cette nouvelle obligation de mise en concurrence s’accompagne de plusieurs limites :
En premier lieu, son champ d’application est limité aux titres d’utilisation ou d’occupation accordés en vue de l’exploitation d’une activité économique.
En second lieu, « lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité », l’ordonnance prévoit une procédure « simplifiée », se limitant à la mise en œuvre d’une publicité préalable « de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution » (art. L.2122-1-1 alinéa 2) dont le contenu n’est pas davantage précisé.
En troisième lieu, l’article L.2122-1-2 du CGPPP prévoit à droit constant, que lorsque l’autorisation d’utilisation ou d’occupation du domaine public est une composante d’un processus relevant de la commande publique, elle sera soumise à la procédure de passation de ce contrat[3].
En quatrième lieu, ce même article prévoit deux autres exclusions en cas d’urgence ou de prolongation d’une autorisation existante. Dans le premier cas, le titre ne pourra être accordée pour une durée supérieure à un an, tandis que dans le second la durée totale du titre ne pourra excéder la durée d’amortissement économique des investissements de l’occupant ou « la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente ».
En cinquième lieu, l’article L.2122-1-3 du CGPPP vient prévoir cinq cas d’exclusion applicables « lorsque l’organisation de la procédure s’avère impossible ou non justifiée ».
Quatre exclusions sont classiques :
- lorsqu’une seule personne est en droit d’occuper la dépendance du domaine public (1°),
- lorsque les conditions du « in house» sont remplies (2°),
- lorsqu’une procédure de sélection s’est révélée infructueuse ou qu’une publicité suffisante pour permettre la manifestation d’un intérêt pertinent est demeurée sans réponse (3°),
- où lorsque des impératifs tenant à l’exercice de l’autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient (5°).
La cinquième exception est plus remarquable et prévoit que la procédure de publicité et de mise en concurrence ne s’applique pas « lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d’occupation ou d’utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l’exercice de l’activité économique projetée » (4°). Cette exception sera à manier avec précaution au regard de l’imprécision du texte.
L’utilisation de l’ensemble de ces exceptions devra en toute hypothèse être motivée puisque le texte prévoit que « lorsqu’elle fait usage de la dérogation prévue au présent article, l’autorité compétente rend publiques les considérations de droit et de fait l’ayant conduite à ne pas mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L.2122-1-13 ».
Enfin, l’article L.2122-1-4 du CGPPP dispose que lorsque la délivrance d’un titre d’utilisation ou d’occupation « intervient à la suite d’une manifestation d’intérêt spontanée, l’autorité compétente doit s’assurer au préalable par une publicité suffisante, de l’absence de toute autre manifestation d’intérêt concurrente ». Néanmoins, l’ordonnance n’apporte aucune précision ni sur le degré de publicité requis ni sur les suites à donner à la publicité en cas de manifestation d’intérêt concurrente.
Cette réforme, dont les dispositions seront applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017, a donc tenté de concilier la nécessité de mettre en concurrence les autorisations d’occupation et d’utilisation du domaine public avec le souhait des gestionnaires domaniaux de conserver une certaine liberté dans la gestion de leur domaine, en leur accordant une importante marge d’appréciation.
Nous demeurons à votre écoute pour toutes questions ouvertes par ces nouvelles disposi
[1] CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14 et c-67/15
[2] Article 34 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
[3] Cf. article 50 ordonnance n)2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession